« Just kids », Patti Smith

Publié le par Eve

 

« Être artiste, c’est voir ce que les autres ne peuvent voir. », Patti Smith

 

couv PattiPréambule

Petit a) je voulais lire Just kids dès sa sortie en librairie, mais comme avec tous les livres importants à mes yeux, j’ai une petite manie, celle d’attendre que la frénésie médiatique et « bloguesque » retombe…

pattiPetit b) il faut bien avouer aussi que je ne suis pas une lectrice compulsive.

J’aime beaucoup Patti Smith et même si je ne connais pas tout son répertoire, j’en connais au moins les pièces maîtresses comme Horses ou Wave. Patti Smith est une des rares chanteuses de sa génération à avoir gardé une voix quasi-intacte après plus de trente ans de carrière. Son personnage multifacette, tantôt poète, tantôt photographe, éternelle francophile et accessoirement Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres, a de quoi intriguer.

Cette autobiographie était pour moi l’occasion d’en savoir plus sur la femme, et notamment sur sa relation passionnelle avec son amour de jeunesse, son alter ego, le photographe Robert Mapplethorpe. Décédé des suites du sida en 1989, Mapplethorpe est surtout connu pour ses photographies de fleurs et d’éphèbes « olé olé » comme dirait ma mamie, il est aussi l’auteur de la fameuse photographie qui orne la pochette de l’album Horses.

 

Mon avis

Si l’autobiographie est, par essence, le genre littéraire le plus subjectif, cela ne m’a pas empêché de trouverAVT Patti-Smith 1688 l’auteur étonnamment lucide sur son parcours personnel. J’oserais même comparer ce texte, très bien écrit, avec les Chroniques de Bob Dylan (une lecture, au passage, que je vous conseille vivement !). Dylan est d’ailleurs présent en filigrane tout au long de cet ouvrage puisqu’il reste et demeure, tout comme Arthur Rimbaud, une des sources d’inspiration majeures de Patti Smith.

Dans cette autobiographie, elle n’élude aucun sujet fâcheux, ni la naissance de son premier enfant qu’elle confie à une famille adoptive, ni son expérience des drogues, ni les tourments que lui causent son petit ami de l’époque, Robert Mapplethorpe, alors en pleine mutation artistique et sexuelle.

 

Patti Smith grandit dans le New Jersey au sein d’une famille pieuse, très modeste mais aimante. Elle a des souvenirs étonnamment précis de son enfance, depuis ses premières lectures jusqu’au choc provoqué par une unique visite au musée des Beaux-Arts de Philadelphie où elle découvre la peinture de Picasso. L’auteur ne fait qu’évoquer son enfance car le sujet de ce livre est bien sa rencontre avec Robert Mapplethorpe. La rencontre a lieu dès son arrivée à New York en 1967, tous deux ont 21 ans, ils sont jeunes, sans le sou et plein de rêves, ils vont vivre une histoire d’amour intense et compliquée. Robert éprouve un amour sincère pour Patti, mais il est aussi irrémédiablement attiré par les garçons. Toute sa vie, il mènera un long combat contre lui-même et contre son éducation pour assumer son homosexualité. Le couple mène une vie de bohême et a bien des difficultés à boucler les « fins de semaines ». Patti fait des petits boulots et assure le pain quotidien, ce qui permet à Robert de reprendre ses études d’art.

Un lieu va cristalliser la transfiguration de Patti Smith en artiste à part entière, il s’agit du mythique Chelsea Hotel.

 

Avant d’atterrir au Chelsea, Robert et Patti se sont séparés, Patti revient d’un séjour en France tandis que Robert traverse une bien mauvaise passe. Patti vole à son secours et le couple se reforme. Lui n’est pas encore photographe et elle n’est pas encore chanteuse ni même musicienne mais tous deux ont des velléités artistiques, tous deux dessinent et n’ont de cesse de s’encourager mutuellement. Le Chelsea marque une étape décisive dans leurs révolutions artistiques respectives, les rencontres qu’ils vont faire dans ce lieu mythique y sont pour beaucoup, « j’ai vite compris que c’était un formidable coup de chance qui nous avait poussé là », dit-elle.

 

pattismithMusiciens, écrivains, acteurs… Je mentirais si je disais que tous les noms égrenés par l’auteur me sont familiers. Ces rencontres et l’atmosphère chargée du lieu vont à la fois inspirer Patti et galvaniser l’ambition artistique de Robert qui se met bientôt à la photographie, un mode d’expression plus immédiat que ses collages et qui n’est pas étranger à sa fascination pour Warhol et sa Factory.

Pour Patti aussi, la mutation est en marche, elle multiplie les expériences et va s’affirmer comme femme autant que comme artiste. Elle essaie le LSD, coupe ses longs cheveux (sa nouvelle coupe « à la Keith Richards » fera sensation), commence à fréquenter la scène musicale new-yorkaise et s’essaie au théâtre. Elle fait la rencontre de Bobby Neuwirth, le « singer-songwriter », il feuillette son carnet de poèmes et lui dit : « T’as jamais pensé à écrire des chansons ? », c’est le déclic, le processus qui va conduire la poétesse en herbes de la fin des sixties à la performeuse rock des années 70 est en marche.

La bulle créée autour de Patti et Robert finit par exploser, désormais chacun poursuit sa propre route. Patti s’éloigne de New York et de Robert au gré des tournées, fonde une famille puis se retire du monde de la musique. Toutefois, les deux artistes ne se perdront jamais de vue et poursuivront un dialogue artistique ininterrompu jusqu’au décès tragique de Robert en 1989.

 

On pourrait croire que ce livre est triste, il n’en est rien. C’est l’hommage touchant et sincère d’une muse à son amour de jeunesse et mentor.

Patti Smith se livre sans fards et porte sur sa jeunesse un regard d’une grande fraîcheur, on ne décèle jamais ni amertume, ni regret, c’est ce qui fait tout le charme de ce texte. Avec cette autobiographie, elle lève un coin de voile sur un des aspects de sa personnalité que l’on connaît moins, la jeune fille un brin naïve et romantique qu’elle a pu être, une facette d’elle-même qui tranche avec l’image de la femme forte et de l’artiste engagée véhiculée par les médias.

 

Just kids de Patti Smith, Éditions Denoël, novembre 2010, 20€

Publié dans Un peu de lecture

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C
I really enjoyed this well written review of “Just kids” by Patti Smith. The author was so much sincere to his words that are quoted in the beginning. He traveled through a different way. He had another perspective towards the theme.
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